Y a des fois, j'ai
des doutes, et même des doutes sérieux (pour ne pas dire de
sérieux doutes). C'est vrai quoi, il suffit d'écouter des
personnes (même pas des extrémistes, juste des français
lambda, des "experts", des publicitaires ou des "hommes
des médias"), de regarder télévision et journaux
ou de seulement se promener dans la rue pour parfois se croire à
une époque quasi-moyennageuse. Quelques exemples? Ça vient...
Une bourgeoise des beaux quartiers parisiens, la quarantaine, commente
le spectacle de Jean-Michel Jarre le 14 juillet 1998 :
"Il y avait une
petite beur de banlieue, 18 ans environ, qui s'est installée en
dérangeant tout le monde. Cette petite loubarde avait un sac Vuitton.
Je pensais que c'était un faux, mais après je me suis aperçue
que c'était un vrai !" Saint Jésus-Marie,
on ne peux plus se fier à rien : normalement, les arabes, ils vivent
dans les cités sordides, volent des mobylettes et ne s'habillent
qu'en Adidas et Nike. Ben non, il y en a qui vivent dans le 16eme arrondissement,
qui ont des sacs à main de marque achetés et vont assister
aux spectacles sur le Champs de Mars. Qu'il existe des jeunes gens mal-élevés,
je n'en doute pas, mais cela ne veut pas dire que tous les gens mal-élevés
viennent de banlieue, loin de là, et que tous les jeunes de banlieue
soient des loubards ou des voyous ! La cerise sur le gateau : cette dame
se dit de gauche et a milité au Parti Socialiste !
Publicité vue à la télévision le 18 juillet
1998 :
"Madame, l'entreprise
de votre mari est-elle encore en bonne santé ? Vérifiez sur
3617 Verif." Pas
besoin d'être psychologue diplômé (tant mieux pour moi
d'ailleurs) pour comprendre ce qui est sous-entendu : La femme ne travaille
pas ou alors un boulot con et mal-payé (pas la peine de faire 3617
Verif, car la moitié de son salaire y passerait), est mariée
(ou alors c'est une vieille fille digne de votre pitié) et serait
désespérée si son mari était licencié
parce qu'elle ne pourrait plus s'acheter un nouveau vison et aller chez
sa manucure chaque semaine. Pitoyable. Publicitaire, c'est un métier
de créatif?
Publicité vue à la télévision le 21 juillet
1998 :
Une grande blonde
bronzée nue, filmée de la tête aux reins, cheveux longs
et s'éparpillant au vent. Voix off : "A-t-elle
les reins solides ? Vérifiez la solidité d'une entreprise
sur 3617 Verif". On croirait que je veux
faire de la promo à 3617 Verif ou régler des comptes personnels,
mais franchement, ils visent le Guitry d'or de la réclame la plus
misogyne de l'année ou ils viennent tous de l'équipe de Stéphane
Collaro ? Donc, pour cette entreprise télématique, la Femme
est une entreprise, voire un produit, dont on inspecte les reins nus comme
les dents des chevaux aux foires agricoles.
Publicité Contrex affichée sur les murs dans les stations
du métro parisien :
Au côté
de la nouvelle bouteille de Contrex en forme de drapé longiligne,
le slogan suivant : "Encore une qui a réussi
grâce à son physique." Il
y a des femmes qui réussissent grâce à leur physique,
je le reconnais (les mannequins). Mais quand on y mets le "Encore une",
cela en fait une généralité, ou du moins un événement
habituel. La vieille rengaine misogyne : une femme qui réussit est
soit belle soit moche. Pour un homme, la question ne se pose pas. Mais
pour une femme, si ("tiens, tu as vu le pull d'Anne Sinclair ? Et les jambes
de Guigou ? Aubry, elle a la gueule de son père..." etc. Qui commente
le postérieur de Chirac ou les biceps de Jospin ?). Si elle est
belle, la femme réussit dans la vie grâce à son cul
ou son physique. Si elle est moche, c'est parce qu'elle est frustrée
(n'a pas pu trouvé un bon mari, voir ci-dessus) et aigrie et veut
se venger de cette putain de Nature qui l'a fait naître si repoussante
en défiant, justement, les lois de cette même Nature (rester
à la maison et apprendre des cantiques à ses nombreux, forcément
nombreux - il ne faut pas lui laisser le temps de réfléchir
à son asservissement-, enfants).
Jean Dutourd, de l'Académie française, au sujet de la circulaire
de Claude Allègre sur la féminisation des noms de métier
(journal Libération du 1er juillet 1998) :
"Cette histoire
est un gadget, ce sont les effets de la polygamie de Jospin, qui est entouré
de sultanes et qui, pour faire plaisir à son harem, relance une
vieille idée." Marie-George Buffet,
l'une des ministres visées, a noté ces "réactions
sexistes d'une rare médiocrité", rappelant "des propos tenus
au XVe siècle qui accordaient aux femmes les seuls droits de pleurer
et filer". Moi, je la trouve encore optimiste : qui a parlé du droit
de filer la laine ? Ça va pas, non ! Donner un savoir donc un pouvoir
économique à une femme ? Pauvre Jean Dutourd ! Il a dû
être choqué par tant d'audace féministe !
Adresse solennelle de l'Académie française au Président
de la République, janvier 1998 (oui oui, an de grâce mille
neuf cent quatre-vingt dix huit ! ) :
Les immortels (la
connerie défie la mort) s'élèvent contre l'appellation
"madame la ministre" dont usent "certaines des femmes qui ont l'honneur
de faire partie" du gouvernement. Donc,
je résume : un homme dans un gouvernement, c'est normal, mais une
femme, c'est un honneur. Qu'elles ont obtenu comment ? Pitié ou
coucherie ? Même Sacha Guitry n'orait jamais osé, c'est dire
!