Lâchez-nous les bourrelets avec vos normes!

 

C'est bientôt l'été. Et comme chaque année, c'est le moment où l'on vous remet dans la norme plastique, viles pécheresses. Parce que si l'hiver tolère gros pulls et jambes laineuses, l'été doit vous voir amincie, le poil traqué de près, la gambette bronzée et dévêtue.


Comme chaque année, donc, les éternelles pages régimes fleurissent dans les magazines féminins (que je hais quand ils sont désignés sous le vocable de "presse féminine" comme si les femmes ne s'intéressaient qu'à ces catalogues publicitaires pour cosmétiques!). Se côtoient les prescriptions les plus farfelues (régime rillettes-reblochon-mayo), les plus déprimants (bouillie chimique grisâtre) et les plus évidentes (blanc de dinde grillé + haricots verts + fromage blanc à 0% : faut pas être prix Nobel pour l'avoir inventé ce "nouveau régime révolutionnaire"!).


Pas un magazine à lectorat féminin qui y échappe (à part peut-être celles de jardinage). A vous dégoûter de l'été ! Parce qu'on ne vous y donne pas des conseils, on vous y donne des ordres ("il faut faire des abdos", "vous devez manger léger", "les sauces sont interdites"). Du coup, au moment de choisir un dessert à la cantoche, soit vous culpabilisez d'oser une mousse au chocolat, soit vous vous rabattez, frustrée, sur un pauvre yaourt sans sucre, sans matières grasses, sans fruits, sans goût, sans plaisir. Et tout ça pour quoi ? Pour ressembler à une créature famélique érigée en modèle de perfection féminine.


N'empêche qu'on oublie souvent de dire que la porte-manteau, elle est en dessous du poids de forme et bonne santé que préconisent les médecins. Mais elle est si "parfaite" diront certainEs (parce que les certains, eux, préfèrent généralement les courbes aux lignes droites, amusant paradoxe). Parfaite... enfin, sur photo! Car après une heure de maquillage, coiffage, habillage, on pourrait croire que la Barbie anorexique serait prête pour illuminer de sa grâce "si naturelle" le film photographique. Mais il ne faut pas oublier que ces images sont ensuite "corrigées".


On nous pousse donc à ressembler à une femme virtuelle qui n'existe que pour faire vendre les "indispensables" produits de beauté, minceur, mode de la femme "moderne". Et au passage, on nous prend bien pour des pigeons en faisant vanter l'efficacité de crèmes antirides par des donzelles de 22 ans 1/2! Bien sûr qu'elle n'en a pas, des rides! Et elle se tartinerait le museau de crème fraîche tous les matins, elle n'en aurait pas plus, des rides. Et puis pourquoi chercher par tous les moyens à ne pas avoir de rides? Encore un symptôme du jeunisme ambiant et du rejet du vieillissement pourtant inéluctable.


Car en y réfléchissant bien, on constate que l'on n'est pas dans une civilisation du culte du corps, mais au contraire dans une culture du dégoût du corps naturel (ses poils, sa couleur, son vieillissement) et notamment féminin (ses rondeurs). Car dans nos sociétés libérales et faussement libérées, la femme est toujours aussi impure que dans les religions (et pas seulement pendant ses règles!). C'est pourquoi elle doit corriger ses imperfections inacceptables à grand coup de maquillage, crèmes, gels, laits, sprays, amincissants, raffermissants, tonifiants, adoucissants. Sinon, on lui reprochera de "se laisser aller". Ce serait sans doute impardonnable de "se laisser aller" à être soi-même et bien dans sa peau!


Je ne suis pas une farouche opposante des produits de beauté : quoi de meilleur qu'un bon bain moussant en hiver, un parfum agréable, un lait pour hydrater les abus solaires. Mais ils doivent être des sources de plaisir non des passages obligés. Oui au plaisir de se sentir belle et bien dans sa peau et non à l'obligation de consommer des produits pour beauté artificielle !

 

Charlottem.

Des chiffres? Allez voir Le rôle croissant des normes féminines de beauté

 

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