Serait-elle le produit direct du
verdict des urnes ? Comment cela se
pourrait-il alors que les résultats
au soir du 15 mars dernier marquaient
au contraire une extrême
stabilité du paysage politique ? La gauche
plurielle après neuf mois
de gouvernement, non seulement n'est pas
désavouée par les
Français mais voit des régions lui revenir à la majorité
relative. Quant à la droite,
si elle n'enregistre aucune progression, elle
échappe cependant à
la Bérézina électorale qui lui était promise.
Enfin le
Front national, s'il parvient encore
une fois à reproduire son score des
présidentielles de 1995
et des législatives de 1997, voit son érosion dans
certains départements compensée
par sa poussée dans d'autres, et enregistre
finalement une progression en sièges
malgré un recul en voix. On arrive
donc à ce paradoxe où
c'est un rapport de forces au demeurant inchangé
après le vote des Français
qui serait à l'origine d'un choc politique
majeur.
Dès lors une évidence
s'impose : aucun des aspects qui viennent d'être
évoqués ici ne fournit
d'explication satisfaisante à l'actuel séisme
politique. Il nous faut donc aller
chercher ailleurs. Tout d'abord, s'il y
a bien eu un choc, il apparaît
clairement que celui-ci n'est en aucun cas
intervenu le 15 mars, lorsque les
Français se sont exprimés et ont donné la
victoire à la gauche dans
plusieurs régions, mais le 20 mars lorsque la
droite a sauvé certaines
de ses présidences grâce aux voix du FN. Force est
de constater alors que le séisme
ne s'est pas produit dans le "pays réel",
pour reprendre ici la terminologie
maurrassienne, où la digue contre le
Front a résisté,
mais dans une partie du "pays légal", c'est-à-dire dans
une fraction de la représentation
de droite où elle a cédé. Dès lors, il
convient d'admettre que ce que
l'on désigne comme étant une crise politique
majeure est en fait avant tout
la crise majeure de la droite française.
Celle-ci s'incarne d'abord sous
la forme d'un double divorce. D'une part,
entre les états-majors de
l'UDF et du RPR refusant tout accord avec
l'extrême droite et une fraction
non négligeable de leur militants,
candidats et élus. D'autre
part, entre cet encadrement intermédiaire et un
électorat de droite qui
demeure majoritairement hostile à toute forme
d'alliance avec le Front national.
Traversée de ces multiples fractures
horizontales, la droite française
apparaît désormais pareille à un
mille-feuille politique. Elle n'a
pas d'homme providentiel pour la fédérer,
pas d'unité structurelle,
plus de vision stratégique et encore moins
d'homogénéité
idéologique.
Il n'était qu'à entendre
ses leaders s'exprimer tels des somnambules le 15
mars au soir pour voir déjà
se profiler la grande pagaille du vendredi
suivant. Ils étaient KO
debout. Soûlés de coups par le choc d'une nouvelle
défaite qui aggravait celle
de juin dernier en cela que, non contents de ne
pas désavouer le gouvernement
de Lionel Jospin, les Français ne marquaient
aucun retour d'affection pour la
nouvelle opposition. Dès lors, à l'UDF
comme au RPR, on n'offrait plus
que le spectacle de zombis médiatiques se
relayant dans l'étrange
lucarne pour dire aux Français qu'ils avaient cette
fois bien compris le sens de leur
message, tout en s'avérant incapables de
dire en quoi celui-ci consistait
précisément. Dès lors aussi, cet échange
surréaliste entre Édouard
Balladur et Philippe Séguin qui à "l'obscur
message des Français" ne
répondent que par une querelle de structure,
consistant à savoir si l'urgence
est désormais de faire un parti unique ou
bien de rénover les chapelles
existantes.
Mais la principale crise est ailleurs.
Car s'il est une dimension dans
laquelle la droite est à
présent totalement aphasique, c'est bien celle de
l'idéologie et de sa traduction
programmatique. Comment les dirigeants
centristes, libéraux ou
gaullistes pourraient-ils espérer aujourd'hui
dissuader leurs troupes de s'acoquiner
avec le Front alors que depuis neuf
mois, que ce soit sur le débat
autour de l'immigration comme sur celui du
bilan du communisme, la droite
s'est contentée d'endosser point par point,
argument après argument,
tout le discours lepéniste ? Comment
pourraient-ils recouvrer demain
cette force de conviction en faisant, comme
Balladur les y invite, un grand
parti unique autour des valeurs de
"travail, famille, sécurité
et amour de la France" ? La seule question qui
vaille désormais est celle-ci
: qu'est-ce encore que la droite ? Si l'on
considère que "les droites
françaises" se sont toutes définies depuis plus
de deux siècles au sein
d'un triptyque pouvant se définir par "ordre,
identité, capital", force
est aujourd'hui de constater qu'elles ne sont
plus au clair sur aucune de ces
trois notions.
S'il y a bien une grave crise politique
ouverte dans le champ de la
représentation, elle est
d'abord celle d'un de ses acteurs essentiels : la
droite française, c'est
"l'homme malade" de notre vie politique.
-------------------------------------------------------
Le Manifeste contre le FN
rebeval@mygale.org
Serveur houebe
http://www.mygale.org/~rebeval/
45, rue Rebeval
Telephone
75019 Paris - France
+33 (0)1 48 03 48 48
"L'ancien se meurt, le nouveau
ne parvient a eclore.
Dans ce clair-obscur
viennent au jour des monstres."
-------------------------------------------------------