Clémence en vacances
     
     
    On l'a dit à la grand-mère
    Qui l'a dit à son voisin,
    Le voisin à la bouchère,
    La bouchère à son gamin,
    Son gamin qui tête folle
    N'a rien eu de plus urgent
    Que de le dire à l'école
    à son voisin Pierre-Jean.

    Refrain
    Clémence, Clémence a pris des vacances,
    Clémence ne fait plus rien.
    Clémence, Clémence est comme en enfance,
    Clémence va bien.

    Ça sembla d'abord étrange,
    On s'interrogea un peu
    Sur ce qui parfois dérange
    La raison de certains vieux,
    Si quelque mauvaise chute
    Avait pu l'handicaper
    Ou encore une dispute
    Avec ce brave Honoré.

    Refrain

    Puis, on apprit par son gendre
    Qu'il ne s'était rien passé,
    Mais simplement qu'à l'entendre
    Elle en avait fait assez.
    Bien qu'ayant toutes ses jambes,
    Elle reste en son fauteuil.
    Un peu de malice flambe
    Parfois au bord de son oeil.

    Refrain

    Honoré, c'est bien dommage,
    Doit tout faire à la maison,
    La cuisine et le ménage,
    Le linge et les commissions.
    Quand il essaie de lui dire
    De coudre un bouton perdu,
    Elle répond dans un sourire :
    "Va, j'ai bien assez cousu."

    Refrain

    C'est la maîtresse d'école
    Qui l'a dit au pharmacien :
    "Clémence est devenue folle,
    Paraît qu'elle ne fait plus rien."
    Mais selon l'apothicaire,
    Dans l'histoire, le plus fort
    N'est pas qu'elle ne veuille rien faire,
    Mais n'en ait aucun remords.

    Refrain

    Je suis de bon voisinage,
    On me salue couramment.
    Loin de moi l'idée peu sage
    D'inquiéter les braves gens
    Mais les grand-mères commencent
    De rire et parler tout bas :
    "La maladie de Clémence
    Pourrait bien s'étendre, là."

    Toutes les Clémences prendraient des vacances,
    Elles ne feraient plus rien.
    Toutes les Clémences, comme en enfance,
    Elles seraient bien.

    Toutes les Clémences prendraient des vacances,
    Elles ne feraient plus rien.
    Toutes les Clémences, comme en enfance,
    Se reposeraient enfin.

            Anne Sylvestre, 1977